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EVANA interview: Felix Hnat, président de la Vegan Society en Autriche

'… Chaque crise peut devenir une chance..'

Le 21 mai 2008, Felix Hnat et neuf autres personnes ont été arrêtés lors d’un raid plus que douteux et emprisonnés sans accusation précise jusqu’au 2 septembre.

Dans beaucoup de régions du monde et même en Autriche (ainsi que dans nombre d’ambassades autrichiennes dont le personnel semblait embarrassé par cette situation) l’indignation causée par ce scandale judiciaire a grandit et ne s’est pas apaisée, même après la libération des dix militants.

Nous avons interviewé Félix à propos de son expérience.

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12 septembre 2008


EVANA : Beaucoup de gens n’ont toujours pas digéré le fait qu’en Autriche, précisément, des raids se soient produits au petit matin, comme en des jours plus sombres, avec des portes enfoncées à coups de pied, des gens traînés hors de leurs lits et menacés avec des armes à feux. Comment s’est passée ton arrestation ?

FELIX : Le 21 mai, je suis réveillé à 6 heures. J’entends crier : "Police, ouvrez immédiatement". Je ne comprends pas ce qui se passe et je me dis qu’il doit y avoir un malentendu ou bien qu’il est arrivé un accident dans le voisinage. Je vais vers la porte, pas tout à fait réveillé, et demande ce qu’il y a. "Police, ouvrez immédiatement". Je dis "Oui" et me dirige vers la porte avec les clefs quand j’entend une détonation et vois du verre brisé et une moitié de porte voler dans ma direction. Des agents de la WEGA, masqués et armés prennent d’assaut l’appartement. Je suis complètement étonné et abasourdi. Ensuite on me dit que je suis en état d’arrestation. Je me réveille petit à petit…


EVANA : Te serais-tu attendu à une attaque aussi brutale en Autriche ?

FELIX : J’ai vu des scènes de ce genre dans des films d’action. Jusque là, je croyais qu’une chose comme ça n’arrivait qu’à des gangsters armés et dangereux mais ces derniers mois ma confiance en la justice a disparu.


EVANA : Beaucoup de touristes qui aiment l’Autriche et s’y rendent régulièrement, s’abstiendront à présent d’y venir parce qu’ils considèrent que les menaces sur les libertés civiles y sont trop grandes. Voudrais-tu faire un commentaire à ce sujet ?

FELIX : Je peux le comprendre ! Pourtant, il existe aussi des situations effrayantes dans d’autres pays. Les droits humains sont loin d’être respectés dans le monde entier. Celui qui a le pouvoir, l’utilise ; celui qui a l’argent, a une influence. De plus, il y a une répression disproportionnée contre les militants animalistes. Aux Etats-Unis, six militants ont été emprisonnés pour avoir fait fonctionner un site internet (www.shac7.com). En Angleterre, aux Etats-Unis et dans d’autres pays européens, de plus en plus de lois sont votées contre la militance en faveur des droits des animaux.


EVANA : Comment étais ta vie en prison ? Avais-tu des contacts personnels avec l’un des neuf autres militants ? Comment tes codétenus se comportaient-ils envers toi ? Ta nourriture était-elle convenable ? Recevais-tu beaucoup de mails ?

FELIX :Je n’ai pas eu le moindre contact avec les autres. Parfois je voyais Elmar - lui aussi détenu à Eisenstadt - passer dans le couloir: "Séparation des complices". Mon avocat me donnait régulièrement des nouvelles des autres, et je m’informais souvent de la santé de Martin.

Je n’ai eu que de bons contacts avec mes codétenus; aucun problème. Beaucoup d’entres eux avaient déjà eu de mauvaises expériences avec le système judiciaire. La plupart savait qui j’étais et pourquoi j’étais en prison. Ils me demandaient souvent si ma situation évoluait.

J’étais très satisfait de la nourriture, qui s’est encore améliorée avec le temps. Les seuls suppléments que je prenais étaient des comprimés de vitamine B12. Chaque jour, j’avais la version végétalienne du repas normal et des fruits, parfois même du soja texturé. Certains de mes camarades de cellule m‘enviaient presque. J’ai eu de la chance à Eisenstadt, d’autres parmi les DIX ont été moins chanceux.

J’ai reçu beaucoup de courrier, provenant même de pays comme Singapour, le Japon, ou de personnalités, comme Peter Singer et Ingrid Newkirk, … la solidarité est énorme. J’en suis réellement touché. Le simple fait que nous (la communauté animaliste, végétarienne et vegan) ne nous soyons pas laissé décourager mais sommes restés plus actifs que jamais me motive encore plus.


EVANA : As-tu pu poursuivre, même de façon limitée, ton travail pour la Vegan Society ?

FELIX : Honnêtement, non. A cause des difficultés de communication avec le monde extérieur et aussi de mon isolement, il ne m’a pas été possible d’apporter quelque chose de constructif et je n’avais pas les éléments nécessaires pour pouvoir prendre des décisions.

Le fonctionnement de la Vegan Society est aujourd’hui encore sérieusement entravé. Les ordinateurs, les bases de données, tous les documents, y compris la comptabilité, ont été saisis. Cet état de fait a eu des conséquences plus graves que mon absence.

Malgré tout, ce qu’il y a de bien c’est que, pendant mon absence, le travail s’est poursuivi et que même mes tâches personnelles ont été prises en charge. Les autres membres, ainsi que d’autres militants - nouveaux et anciens, sont venus nous aider, au pied-levé. Cela me rassure beaucoup que des personnes si compétentes, intelligentes et motivées se soient autant impliquées.


EVANA : Nous avons entendu dire que vous étiez au courant de la sympathie ressentie à votre égard dans de nombreux pays. Autant la stupéfaction (pour m’exprimer prudemment) vis à vis du système judiciaire autrichien augmentait, autant l’admiration envers les Dix grandissait. Aujourd’hui, beaucoup de gens vous considèrent comme des héros ! En étais-tu conscient ?

FELIX : C’est surprenant. J’ai effectivement reçu des lettres de personnes me disant que pour elles, nous étions des héros. D’autres nous regardaient comme de martyrs. Il est vrai qu’en Autriche nous sommes parvenu à une situation inédite, à un niveau de répression à l’encontre des militants animalistes jusqu’ici inconcevable. Nous sommes effectivement dans une situation historique et la conclusion de cette affaire sera déterminante pour la sauvegarde des droits fondamentaux et le fonctionnement de la société civile dans l’avenir.

Néanmoins, je ne suis absolument pas un héros. Je n’ai rien fait que ne font des centaines de milliers de gens dans le monde. Ils sacrifient tous leur temps et leur énergie pour créer un monde meilleur, il sont membres d’un groupe Végé ou animaliste, veulent analyser les relations animal-humain ou construire quelque chose de positif. Si je suis un héros, alors ceux qui se considèrent comme faisant partie de ce mouvement sont, eux aussi, des héros. La seule différence est que je suis devenu la victime de l‘arbitraire policier, mais même dans ce contexte je ne suis qu’une victime parmi beaucoup d’autres.


EVANA : Cette aberration judiciaire a fait que toutes les organisations concernées, la Vegan Society et VGT y compris, sont aujourd’hui internationalement connues - voire même franchement célèbres. Les gens vous écoutent. A présent, vous avez une influence considérable. Qu’aimerais-tu dire à tous ceux qui se sont tant intéressés à votre sort ?

FELIX : Je pense qu’il est important d’insister sur le fait que cette affaire autrichienne n’est pas un cas isolé (même s’il se peut qu’ici, plusieurs facteurs malheureux se soient conjugués). Nous sommes confrontés à une tendance internationale, laquelle est plus développée encore en Angleterre et aux Etats-Unis. Ici et dans d’autres pays, les choses évoluent dans cette direction. Il y aura bientôt, ailleurs qu’aux Etats-Unis, des lois semblable à l’ Animal Enterprise Protection Act. Des activités légales, comme les manifestations ou la distribution de tracts seront alors passibles d’emprisonnement dès qu’une société qui exploite les animaux subira des pertes financières. Le rapport de forces se déplace en permanence en faveur de l'industrie, au détriment des ONG. De façon plus générale, sous prétexte de "guerre contre le terrorisme", on tente dans le monde entier de limiter les droits fondamentaux et l'action politique. Avec l’aide des systèmes politiques, l’industrie essaie généralement de se débarrasser de certains problèmes, tel que des militants animalistes importuns. De même que les guerres se font pour du pétrole ou des influences politico-stratégiques.


EVANA : Les médias ont rendu compte de façon très positive du Congrès International Végétarien qui s’est tenu à Dresde, et durant lequel votre situation a été un des sujets les plus importants. Certains journalistes qui dans le passé se plaisaient à ridiculiser le végétarisme ont même écrits des articles respectueux sur le congrès et notre mode de vie. Penses-tu que le public devient plus favorable au végétarisme suite à tous les problèmes liés à la viande (problèmes de santé, épizooties, changement climatique) et aux révélations sur la cruauté de l'élevage ?

FELIX : Je crois que nous nous trouvons au milieu d’un changement de paradigme qui atteint une partie croissante de la société. Les droits des animaux et le végéta*isme sont en train de devenir socialement acceptables. Nous tous qui oeuvrons dans ce but pouvons voir, à travers l'écho grandissant de ces thèmes dans la sphère politique, les sciences et les médias, que quelque chose est en train de changer. Le congrès international aussi a révélé cette tendance. C’est pourquoi je suis optimiste.


EVANA : Comment est la situation en Autriche ? Combien y a-t-il de végéta*iens ? Est-ce que l’on y trouve suffisamment d’aliments végéta*iens ? Le label Européen V est-il déjà bien introduit ?

FELIX : L’Autriche est un pays très favorable au végéta*isme. Selon le baromètre européen de 2003, il y a 3% de végétariens. Le sélection de produits végéta*iens s’améliore tout le temps. Le choix est de plus en plus vaste, les prix diminuent. On trouve certains produits portant le label V au supermarché Merkur, par exemple. Il reste néanmoins des progrès à faire. Je crois que l’identification des produits végéta*iens est une tendance à développer et j’ai l’intention de continuer à m’y employer à l’avenir.


EVANA : Le désir de vous aider est énorme. Est-ce que cette remarquable solidarité internationale vous a aidé à faire face à votre quotidien pendant ces terribles mois ?

FELIX : La solidarité, la sympathie et l’intérêt du public peut être très rassurants. La nourriture vegan s’est améliorée grâce au soutien de groupes de l’extérieur. Nous recevions même des journaux, etc. Toutefois, la chose la plus importante pour moi était le fait que le travail continuait. Il est inconcevable qu’on perde notre motivation ou qu‘on se laisse intimider. On continue ! Je pense même que nous serons plus unis et déterminés qu’avant. Et peut-être pourrons-nous sensibiliser l’opinion publique à la nécessité de s’opposer à la répression contre la société civile.


EVANA : Juste une question encore : Votre affaire a malheureusement prouvé que le caractère arbitraire de la justice n’est pas un problème qui appartient au passé et que chacun de nous peut en être victime demain. Que recommandes-tu aux personnes qui se trouveraient, comme toi, placées en détention prolongée sans accusations concrètes ?

FELIX : Selon moi, chacun devrait savoir que la police et la justice agissent dans l’intérêt de l’économie. D’autre part, les lois de protection animale sont à peine - voire pas du tout - appliquées. Pendant notre procès, la police a intentionnellement déformé nos déclarations et dénaturé leur significations. Les traductions étaient inexactes. Les personnes confrontées à un destin similaire ne devraient pas coopérer avec la police mais seulement parler à leurs avocats afin de prévenir les abus de pouvoir. Ne perdez pas courage. En prison, cela aide de parler aux autres, de faire de l’exercice et de lire. Cela peut être très dur d’être séparé de ceux qu’on aime mais l’amour et la solidarité sont plus forts que les murs. Chaque crise peut devenir une chance.


EVANA : Félix, nous vous souhaitons, à toi ainsi qu’aux autres, de retrouver rapidement une vie normale après ce cauchemar et de pouvoir reprendre votre travail. Comme exemple de tous ces bons souhaits, nous voulons citer un mail qu’EVANA a reçu pour vous pendant votre détention : "Nous sommes nombreux à vouloir vous dire que nous vous aimons et vous respectons, que nous nous soucions de ce qui vous arrive, que nous pensons à vous chaque jour et que vous êtes nos dix héros."

FELIX : Merci ! Votre engagement me donne du courage. Je suis plus motivé que jamais - bien que je ne sois pas un héros ;-).


Source: Vegan Society Austria
Author: Vegan AT

Link: La cuisine végane, vous connaissez ?

Date: 2008-10-06